La section musique/cinéma de la bibliothèque de Bondy effectue des acquisitions de cd.
Venez découvrir un titre par album des coups de cœur de nos bibliothécaires parmi les dernières nouveautés de Mars 2023 sur notre chaîne Youtube.

Le compositeur et musicien japonais Ryuichi Sakamoto, atteint de plusieurs cancers depuis une dizaine d’années, envisage comme imminente la fin de sa vie.

Il a récemment diffusé un concert préenregistré qu’il a qualifié de « peut-être mon dernier ». Entre deux séjours à l’hôpital, il continue de composer et d’enregistrer à son domicile, des morceaux qui prennent chacun l’allure d’ultime composition. C’est dans ces conditions que l’album « 12 » a été enregistré, chaque plage musicale ayant pour titre sa date d’enregistrement.

Disponible en numérique dans un premier temps, l’album fera l’objet d’une édition vinyle et CD dans les semaines qui viennent. Nous y voyons l’occasion de revenir sur le parcours éclectique de ce pionnier de la musique électronique japonaise.

En Europe, Ryuichi Sakamoto est surtout connu du grand public pour ses musiques de films et en particulier pour la B.O. de « Merry Christmas Mr. Lawrence » (« Furyo » en France), film dans lequel il incarne également le capitaine Yonoi, qui entretient une relation sentimentale ambigüe avec son prisonnier le major Jack Celliers (David Bowie).

Au Japon, au sein du trio de pop synthétique Yellow Magic Orchestra qu’il formait avec Haruomi Hosono et Yukihiro Takahashi (décédé en janvier 2023), Sakamoto est une star depuis la fin des années 1970. Essentiellement inspiré par les allemands de Kraftwerk et l’exotica de Martin Denny, le concept initial du groupe était pour le moins « méta », puisqu’il s’agissait pour des japonais d’appliquer le traitement synthétique allemand à une musique occidentale qui elle-même véhicule des clichés orientalistes issus du colonialisme. Le tout passé à la moulinette J-pop.   

Sakamoto est ensuite passé par de multiples formes et de multiples milieux musicaux. Il a collaboré avec David Sylvian, a composé un opéra, des sonneries pour téléphone portable, les bandes originales de films hollywoodiens et de films d’auteur, et puis plusieurs dizaines d’albums en solo ou en duo avec l’avant-garde autrichienne (Christian Fennesz) et allemande (Alva Noto) pour des albums minimalistes où le piano donne la réplique aux drones, glitchs et autres bugs informatiques.


Sorti en 2017, l’album Async restera sans doute parmi les disques les plus marquants de la fin de carrière de l’artiste, synthétisant avec grâce la spiritualité et l’expérimentation qui le caractérise. A noter également la sortie d’un tribute dans lequel quelques-uns de ses partenaires de jeux lui rendent hommage en reprenant ses classiques.

Ryuichi Sakamoto fera sans doute partie de ces artistes qui, à l’instar de David Bowie et Leonard Cohen, se sont emparés dans leur œuvre, d’une mort imminente pour la transfigurer.tribute to ryuichi 300

Tribute to Ryuichi Sakamoto

Conçu en Islande pendant les premiers confinements, Fossora s’éloigne des volutes du précédent album de Björk, pour se calfeutrer dans une terre matricielle endeuillée.

L’artiste a en effet perdu sa mère à la même période. Le titre de l’album est une féminisation du latin « fossor », le fossoyeur. « Fossora » est donc « celle qui creuse ».  Et il est indéniable que Björk creuse sans cesse pour se renouveler. Son parcours artistique force l’admiration. Du haut de ses 57 ans, elle cumule 46 ans de carrière, une vingtaine d’albums en solo et en groupe, des milliers de concerts et quelques performances remarquées au cinéma. Mais soyons honnête, depuis qu’elle a abandonné la formule couplet-refrain au profit d’une production plus conceptuelle au début des années 2000, il est souvent aisé de s’ennuyer dans ses paysages éclatés qui flirtent avec l’abstraction. Mais point d’ennui sur ce nouvel album qui réintroduit la ritournelle au sein de l’humus, nous offrant toujours une corde à laquelle nous accrocher dans ce périple souterrain. La production est à la fois brillante et mat, un peu comme sur les albums de Coil ou des Residents qui viennent régulièrement à l’esprit à l’écoute de ce grand cru.

Fossora, de Björk, 2022

Rocio Marquez, chanteuse espagnole née en 1985 nous propose un flamenco rétrofuturiste passionnant.

Elle continue avec son sixième album à sublimer la tradition en associant son chant avec des rythmes plus rock et pop aidée en cela par le DJ Bronquio qui par ses programmations aux sonorités riches et iconoclastes donnent aux chansons une singularité fascinante. La voix de Rocio est soumise aux multiples expérimentations sonores, tantôt trafiquée teintée de réverb tantôt fantomatique mais toujours en gardant le souci du « cante jondo » (chant profond), la puissance du chant vibratoire du flamenco.

Album immersif, kaléidoscope sonore aux samples et aux pulsations hypnotiques doté de petites perles comme la chanson rumba pop « De mi » en tandem avec la rappeuse 41V1L.

Tercer cielo, de Rocio Marquez y Bronquio, 2022

La chanteuse turque Derya Yildirim accompagnée du Grup Simsek rassemble en un seul CD deux EP publiés en 2021 et 2022.

Ce groupe rassemble des musiciennes et musiciens anglais, turcs et français. Leurs influences se mêlent et viennent enrichir de manière actuelle, un répertoire principalement nourrit par la musique traditionnelle turque et anatolienne. Leur pop rétro légèrement psychédélique est triste et passionnée. Un disque plein de désir et de nostalgie, porté par le saz et la superbe voix de Derya Yildirim.

Dost 1 & 2, de Derya Yildirim & Grup Simsek, 2022

Montparnasse Musique est un duo composé du producteur franco-algérien Najid Ben Bella (ou DJ BoulaOne pour les intimes) du collectif Les Amazones d’Afrique et de Gnawa Diffusion ainsi que du DJ sud-africain Aero Manyelo.

Ils se sont rencontrés par hasard dans le métro parisien (d’où le nom du groupe) avant de s’immerger dans l’underground de Kinshasa.

Archeology, l'étonnant premier album de Montparnasse Musique, publié chez Real World Records, fait se rencontrer les rythmes de l'Afrique traditionnelle et urbaine avec les rythmes programmés du Johannesburg moderne. Le duo nous donne à découvrir ses nouvelles hybridations transafricaines. Parmi la liste des musiciens invités sur l’album figurent le chanteur/multi-instrumentiste cubain Kabeya, les chanteurs Muambuyi et Mengu Waku et le guitariste Mopero Mupemba, ainsi que des artistes congolais comme Mbongwana Star, Konono Nº1 et Kasai Allstars. Une belle place est donnée aux vibrations congolaises des likembés (pianos à pouce), et on peut entendre aussi bien les volutes orientales d’une flûte ney que les scansions du rap sud-africain. Un stimulant voyage dans la musique africaine d’aujourd’hui.

Archeology , de Montparnasse Musique, 2022