Le parcours de My Bloody Valentine est pour le moins singulier. Ou comment, un groupe obscur, brouillon, qui se cherche sur ses premiers disques, finit par se trouver et incarner le climax de ce qu’il est possible de concevoir de plus audacieux et avancé en matière de formule ‘’guitare, basse, batterie, synthé’’. En effet, après deux ans de bricolage post punk au milieu des années 1980, My Bloody Valentine, tout en restant un groupe de rock, entamera, dès 1987, ce qui s’apparente à du modelage, de la sculpture sonore, sans jamais tomber dans l’abstraction et sans jamais arrêter de composer des chansons. Isn’t Anything est l’opus qui précède le mythique et indépassable Loveless, et pourtant, tout ce qui va définir le son des années 1990 est déjà là. La hargne quasi grunge, les compositions pop (pour ne pas dire tubesques), l’usage de la guitare accordée en open tuning, le détournement de la réverbération (saturée et compressée), vont poser les bases de ce qu’on appellera le courant shoegaze, autrement dit, littéralement ceux qui jouent de la guitare en regardant leurs chaussures, tant ils ont de pédales à gérer pendant les concerts. Isn’t Anything est un jalon dans l’histoire de la musique à guitare. En dépit de sa furie abrasive, tout y est calibré, soigneusement réfléchi et judicieusement placé. Rien n’est laissé au hasard. A écouter en priorité : le titre d’ouverture Soft As Snow et le désespéré No More Sorry.

My Bloody Valentine : Isn't Anything, 1987
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- Catégorie : Musique