Affiche du film : gros plan sur les visages de Jean Louis Trintignant et Klaus Kinski, séparés par un pistolet.

En 1966, quand on lui demande de réaliser Django, Sergio Corbucci a une vision : celle d'un western glacial, sous la neige, où l’hostilité de la nature ne vient pas du soleil brûlant du désert, mais du froid stérile des montagnes en hiver.

 

Faute de moyens, il doit revoir ses ambitions, et se contente de tourner un film qui se passe dans un univers de boue : s'il ne peut pas avoir son western enneigé, il aura un western crasseux… Deux ans plus tard, grâce à l'immense succès du crépusculaire et ultra-violent Django, le réalisateur a enfin les moyens de faire naître sa vision, et s’attelle alors au tournage du Grand Silence. Fait peu courant pour un western, le film s'ouvre sur un carton expliquant que l'histoire est tirée de faits réels : la Guerre du Comté de Johnson (également adaptée au cinéma par Michael Cimino avec son chef-d'oeuvre La porte du Paradis), conflit opposant petits paysans et grands propriétaires terriens, ces derniers étant allés jusqu'à embaucher des armées de mercenaires pour massacrer leurs opposants et récupérer leurs terres, sous des prétextes légaux fallacieux. Le cadre du film de Corbucci est donc dès le départ intrinsèquement politique, et particulièrement iconoclaste envers les mythes fondateurs des Etats-Unis.

Dans ce contexte, Jean-Louis Trintignant interprète Silenzio, tueur à gages spécialisé dans le meurtre des chasseurs de prime, sur lesquels il a toujours le dessus grâce à deux choses : sa vitesse surhumaine et sa puissance de feu supérieure, car il brandit un pistolet automatique, symbole de l'industrialisation de la guerre et des massacres à venir... Trintignant endosse ici un rôle historiquement associé aux méchants, mais qu'il joue comme un héros, honorable (il ne dégaine jamais le premier) et mettant sa force au service des faibles. Face à lui les chasseurs de prime, menés par un Klaus Kinski mielleux et pervers à souhait, ont la loi pour eux et tiennent un rôle historiquement associé au héros de western. Le Grand Silence est ainsi le film de tous les contraires, et on se doute que le film se termine moins avec un héros victorieux partant vers le soleil couchant que dans un bain de sang sur la neige blanche...
Le Grand Silence est le chef-d'oeuvre de Sergio Corbucci, et l'un des plus grands westerns spaghetti, son influence se retrouvant dans des oeuvres telles que John MacCabe, Les 8 Salopards, La Porte du Paradis, mais également dans la BD franco-belge, la série Durango étant très largement inspirée par le film. CLEMENT.

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